Discographie

Imitar le parole

« De la Renaissance au début du Classicisme, secondée par 5 clavecins aux subtiles différences, j’aimerais rendre avec plus d’évidence le langage propre à chacune des pièces choisies, ses différentes couleurs, la richesse de ses sonorités. »

Ce disque répond à projet particulier : consacré au clavecin, il cherche à éclairer, à travers quelques moments significatifs de sa longue histoire, la diversité des sonorités et des timbres de cet instrument au cours de son évolution, pour souligner la richesse des couleurs qu’il peut offrir.

C’est donc une écoute transversale que propose cet enregistrement, de la fin de la Renaissance au début du Classicisme, illustrée par cinq instruments différents quant à l’époque, au pays d’origine et donc à l’esthétique. Pour chacun d’eux, une adéquation a été recherchée à la fois dans le choix du répertoire et dans celui de l’accord. Les pièces choisies sont bien représentatives des différents styles et, suivant les tonalités et l’époque, le tempérament a été changé chaque fois que cela se justifiait. De cette manière, outre l’intérêt présenté par les pièces choisies – certaines sont très connues, d’autres le sont à peine – ce voyage, agrémenté de quelques détours, dans la grande famille des clavecins pourra faire entrevoir les multiples facettes de l’instrument et aussi de son répertoire.

Il ne pouvait évidemment être question de présenter toutes les écoles et tout le répertoire ; en particulier, les instruments des écoles anglaise et allemande sont absents. Mais le pari n’était certes pas d’être exhaustif ; il s’agit plutôt d’éveiller les oreilles et… la curiosité pour un instrument qui trop souvent encore ne suggère qu’une seule image, qu’un seul monde sonore. En effet, le mode de production du son spécifique du clavecin – la corde pincée mécaniquement – s’il crée une unité de légèreté, de précision, de clarté, présente également des contraintes qui risquent à tout moment de rendre l’expression, l’émotion bien fragiles …

En chaque lieu, à chaque époque, la facture et le jeu du clavecin ont tendu vers un équilibre ténu et essentiellement instable, fragile mais par là même rempli de richesses potentielles. Chaque instrument est représentatif de son époque et aide ainsi l’interprète à trouver une façon de jouer, un toucher, un style pour tout dire, aussi bien adaptés que possible à la musique pour laquelle il a été construit.

Cette approche n’a été possible, en ce qui me concerne, que grâce à la complicité de mon mari, Jean-Luc Wolfs, facteur de clavecins, avec qui je partage depuis de nombreuses années une même passion pour cette musique et cet instrument multiple et chaque fois unique.

La critique

Article de Nicolas Blanmont, dans La Libre Culture, Mer 9 juin 2004, p. 27
Imitar le parole * * *

“Fondatrice et pilier de l’ensemble Conversations, la claveciniste belge Marie-Anne Dachy publie un disque de passionnée à tous points de vue. Passion de l’instrument, ou même des instruments puisqu’elle joue cinq instruments différents, tous réalisés par son mari, le facteur Jean-Luc Wolfs. Passion du répertoire aussi, puisque le disque se présente comme un voyage qui va de la Renaissance (Cavazzoni) et du premier baroque (Frescobaldi) jusqu’aux contreforts du classicisme (une sonate de Haydn), et de l’Italie à l’Allemagne en passant par la France. On admirera tout particulièrement la sensualité gourmande du toucher : il est peut-être des clavecinistes qui privilégient plus le rythme ou la danse, mais il en est peu qui caressent avec pareil amour leur(s) instrument(s).          N.B.

Article de Pierre Schwickerath dans Pizzicato 6/2005, p. 64
Imitar le parole     SUPERSONIC        pizzicato.lu

“Cette anthologie se révèle être une véritable histoire de la facture du clavier dont elle montre l’évolution de la fin de la Renaissance jusqu’au préclassicisme viennois. Mettant en exergue l’étroite relation qui existe entre la musique et l’instrument, Marie-Anne Dachy joue sur cinq copies d’instruments différents pour nous livrer chaque oeuvre sur son support organologique le plus adéquat: un virginal italien d’après Bertolotti (1585), un clavecin français de la fin du XVIIe siècle d’après Denis (1674) et Vaudry (1681), un clavecin flamand du XVIIe siècle d’après Ruckers (1691), un clavecin français du XVIIIe siècle d’après Blanchet (1736) et finalement encore un clavecin français de la seconde moitié du XVIIIe d’après Takin (1769).

Respectant la chronologie, le CD nous plonge d’abord dans l’univers, encore fort feutré de la Renaissance finissante avec Madame vous avez mon cuer de Marco Antonio Cavazzoni interprété sur le virginal. La sonorité de cet instrument est tellement menue et frêle que l’image sonore obtenue par l’enregistrement ne peut donner qu’une idée approximative des subtilités et des richesses chromatiques qu’il recèle.

Heureusement, ce problème ne se pose nullement pour les quatre clavecins qui sont restitués dans l’intégralité de leurs spectres sonores respectifs. Aussi peut-on apprécier à leur plus juste valeur les différences de chacun d’entre eux: la finesse, la clarté et la légèreté tout éthérée du Denis, le mordant et l’impulsivité du Ruckers, la rondeur et la profondeur des basses du Blanchet et finalement, l’ampleur et l’opulence du Taskin.

Marie-Anne Dachy manipule avec une égale aisance chacun de ces cinq claviers et nous livre à chaque fois une interprétation absolument en phase avec les exigences esthétiques. Quel bonheur que d’entendre la musique, si intime de Jean-François Dandrieu sur ce Denis et Vaudry ! Cette musique nous donne un juste reflet de ce qu’a pu être la musique d’appartement, si éloignée des fastes de la cour, au grand siècle. Toute autre est déjà l’atmosphère que dégage le Musicalischer Parnassus: Erato de Johan Caspar Ferdinand Fischer et qui requiert un clavecin plus vigoureux, en l’occurrence un Ruckers. Mais le moment émotionnel le plus fort du disque semble être Les Idées Heureuses Tendrement, sans lenteur, extrait du Second Ordre de François Couperin. Et c’est avec une sonate de Joseph Haydn, interprétée sur un opulent Taskin que Marie-Anne Dachy achève avec panache cette pérégrination claveciniste que l’auditeur peut suivre comme un parcours initiatique.

Ce disque, qui est d’ailleurs accompagné d’un excellent livret explicatif, devrait donc être un ouvrage de référence pour tous ceux qui s’intéressent au clavecin et à son histoire. PiRath”